La construction du barrage
Cette page est disponible en : English (Anglais)
Français
Une prouesse technique et humaine...
Ouvert en 1955, le chantier s'achève 54 mois plus tard. En juin 1960, la construction du barrage est terminée alors que le remplissage de la retenue débute le 16 novembre 1959: dix-mois plus tard, les vallées de l'Ubaye et de la Durance, totalement ennoyée entre la clue de Serre-Ponçon et la plaine du Roc d'Embrun, offre un nouveau monde... Le chantier réunira jusqu'à 3 000 ouvriers en même temps, au plus fort de l'activité, en juillet 1959.
Les travaux préliminaires démarrent en 1955 avec la mise en place des installations de chantier à la mesure de l'ouvrage: centrale à air comprimé, station de lavage-criblage pour préparer les agrégats utilisés dans la fabrication du béton, centrale à béton, 2300 m² d'ateliers pour entretenir et réparer un parc d'engins de travaux publics extrêmement important. Une cité de 800 lits est construite à Espinasses pour héberger les célibataires. 300 autres logements sont réalisés à proximité du site.
Le premier véritable chantier est celui du détournement de la Durance, préalable à la construction de la digue. Pour ce faire, une dérivation provisoire constituée de 2 galeries de 900 m de long et 10,50 m de diamètre est creusée dans le rocher, en rive gauche du futur ouvrage. La dérivation s'achève le 29 mars 1957. Des moyens colossaux sont mis en œuvre pour l'époque : une unité de perforation avec 3 « jumbos » (énormes marteaux piqueurs montés sur engins à chenilles), des coffrages métalliques télescopiques montés sur portiques roulant et un train bétonnier.
Parallèlement, il faut penser à rétablir les voies de communication que la mise en eau du lac va couper. On en profite pour les moderniser. Plus de 14 km de voies ferrées et 3 viaducs S.N.C.F sont construits. Ainsi que 50 km de routes et plus de 2,5 km de ponts, dont le viaduc de Savines long de 924 m. Ces chantiers seront plus coûteux que la construction de la digue elle-même...
"Travaux sur la Durance" - Reportage régional pour le journal national - 04/04/1957 (archives INA)
La construction de la digue et de l'usine
Pendant 39 mois, de mars 1957 et la fin des travaux en juin 1960, 30 millions de tonnes de matériaux sont déplacés et transportés sur les pistes du chantier. L'édification de la digue nécessite à elle seule 14 millions de m³ de terrassement (6 fois le volume de la grande pyramide de Chéops). La digue mesure 600 mètres de large et 650 mètres d'épaisseur à la base. Pour transporter ces énormes quantités de rocher, 35 semi-remorques « Euclid » importés des États-Unis, sont capables de charger 60 tonnes dans leur benne. On compte, en une journée, jusqu'à 1 500 passages de véhicules de 300 CV pour mettre en place 20000 m³ par jour de matériaux compactés par 3 rouleaux à pneus de 35 à 45 tonnes et 2 rouleaux « à pieds de mouton » de 18 tonnes. Le balai des engins sur la digue dure sans interruption de 2 h du matin à 22 h. Un conducteur d'Euclid gagne environ trois fois le salaire d'un employé de bureau. Mais c'est un métier pénible et dangereux... Pendant qu'en surface, pelles, tombereaux, tracteurs et rouleaux se livrent à une ronde incessante, au cœur du rocher, une gigantesque cathédrale souterraine prend peu à peu naissance pour former l'usine.
De très bonne qualité, le granit permet de réaliser la totalité des excavations sans aucun soutènement. Dès la fin de l'année 1958, les trois cavernes construites parallèlement pour abriter les transformateurs, les machines et les vannes de pied, sont à disposition des constructeurs des matériels électromécaniques.
Le chantier connaît des moments mémorables. Le 14 juin 1957, une crue de 1 700 m³/s (la plus forte crue connue après celle de mai 1856 qui avait atteint 1 800 m³/s) perturbe les travaux. A cette époque, une seule galerie de dérivation provisoire est en service. Le batardeau, construit à l'amont du chantier de la digue pour la protéger, est submergé, heureusement sans trop de dégâts. Autre opération délicate, le transport des 4 rotors des alternateurs depuis les ateliers du constructeur. Les 260 tonnes de chaque rotor sont transportées par la route sur un véhicule surbaissé.
La mise en eau et la disparition de Savines et d'Ubaye
Le 16 novembre 1959, les vannes du barrage se ferment pour commencer le remplissage de la retenue. 18 mois plus tard, le 18 mai 1961, pour la première fois, le lac est plein. La mise en eau de la retenue a pour conséquence de submerger les villages de Savines et d'Ubaye, situés au-dessous de la côte 780.
Il est décidé de reconstruire le village de Savines. Les discussions sont vives pour savoir si le nouveau village sera bâtit en rive gauche ou en rive droite, plus ensoleillée. C'est la rive gauche, celle du village d'origine, qui est choisie, entraînant la nécessité de construire le pont de 920 mètres de long traversant les deux rives du lac. EDF finance la reconstruction des immeubles communaux et une nouvelle église symbolise, par son originalité résolument moderne, le renouveau du village.
A Ubaye, le village n'est pas reconstruit, mais le cimetière est transporté en bordure du lac. La mise en eau du barrage oblige ainsi à procéder au déplacement de près de 1 500 personnes...
"La mise en eau du barrage de Serre-Ponçon" - Reportage régional pour le journal national - 02/04/1960 (archives INA)
La guerre d'Algérie empêche l'inauguration
Le barrage de Serre-Ponçon n'a jamais été inauguré officiellement. Le Général de Gaulle devait présider la cérémonie, mais la guerre d'Algérie est venue bouleverser les programmes. Le report ne sera jamais concrétisé.
Coût du chantier
- La répartition des dépenses totales, évaluées à 50 milliards d'anciens francs, s'établit ainsi :
- Digue et étanchéité : 23%
- Ouvrages annexes et usine : 21%
- Matériel hydro et électromécanique : 13%
- Rétablissement des communications : 27%
- Achat des terrains : 13%
- Études et essais : 3%